Terre humaine, perspectives de l'Autre, par Jean Malaurie
-
L'impact de Tristes Tropiques sur la pensée du vingtième siècle est immense. Traduit en 27 langues.L'impact de Tristes Tropiques sur la pensée du vingtième siècle est immense.
Pourquoi et comment devient-on ethnologue ? Comment les aventures de l'explorateur et les recherches du savant s'intègrent-elles et forment-elles l'expérience propre à l'ethnologue ? C'est à ces questions que l'auteur, philosophe et moraliste autant qu'ethnographe, s'est efforcé de répondre en confrontant ses souvenirs parfois anciens, et se rapportant aussi bien à l'Asie qu'à l'Amérique.
Claude Lévi-Strauss souhaite ainsi renouer avec la tradition du voyage philosophique illustrée par la littérature depuis le XVIème siècle jusqu'au milieu du XIXème siècle, c'est à dire avant qu'une austérité scientifique mal comprise d'une part, le goût impudique du sensationnel de l'autre n'aient fait oublier qu'on court le monde, d'abord, à la recherche de soi. -
Un hommage à l'esprit de résistance jivaro contre toute politique d'assimilation.
On les appelle Jivaros. Ils préfèrent se dénommer Achuar, les Gens du Palmier d'eau. Isolés dans la jungle de Haute-Amazonie, aux confins de l'Equateur et du Pérou, cette tribu légendaire fut protégée durant des siècles de l'incursion des Blancs par son inquiétante réputation de chasseurs de têtes. Plus qu'une condition de leur indépendance, la guerre est pour ces Indiens une vertu cardinale ; elle donne du prestige, renforce la solidarité, raffermit l'identité ethnique et permet le renouvellement rituel des âmes. Grâce à elle, les Achuar sont encore plusieurs milliers, fiers de leurs traditions et farouchement attachés à leur mode de vie. Ce livre est une chronique de leur découverte et un hommage à leur résistance.
L'auteur y relate au quotidien les étapes d'une intimité affective et intellectuelle croissante avec ce peuple dont il a partagé l'existence pendant près de trois années comme anthropologue. Tableau des temps ordinaires comme des événements tragiques, ce récit évoque aussi un apprentissage initiatique mené à l'écoute des mythes et des chants magiques, de l'interprétation des rêves et de l'enseignement des chamans. Une pensée riche et poétique s'en dégage, bouleversant nos conceptions de la connaissance, du sentiment religieux et des rapports à la nature. Des fondements de la violence collective à la logique de la sorcellerie, des principes de l'autorité politique à la définition de l'identité culturelle, de la philosophie de l'échange à l'intelligence de l'environnement, ce témoignage exceptionnel sur une manière libre, et presque oubliée, de vivre la condition humaine tire d'une expérience singulière un enseignement pour le temps présent. -
Il y a dans la littérature de la France rurale un avant et un après Hélias.
"Trop pauvre que je suis pour posséder un autre animal, du moins le Cheval d'Orgueil aura-t-il toujours une stalle dans mon écurie." Ainsi parlait à l'auteur, son petit-fils, l'humble paysan Alain Le Goff qui n'avait d'autre écurie que sa tête et d'autre terre que celle qu'il emportait malgré lui aux semelles de ses sabots de bois. "Quand on est pauvre, mon fils, il faut avoir de l'honneur. Les riches n'en ont pas besoin." Deux ancêtres de la famille, dit la tradition orale, ont été pendus par le duc de Chaulnes après la Révolte des Bonnets Rouges. Ils avaient dû écraser quelques pieds de marquis parce qu'ils ne pouvaient pas vraiment faire autrement. Au pays Bigouden, on ne redoute rien tant que la honte qu'on appelle "ar vez". Et l'honneur consiste à tenir et à faire respecter son rang, si humble soit-il. Tout le reste est supportable. L'auteur a été élevé dans ce sentiment. Avant d'apprendre le français et d'entrer dans la civilisation seconde qui est la sienne aujourd'hui, il a été éduqué en milieu bretonnant, dans une société qui vivait selon un code strictement établi. Il n'enseigne pas, il raconte minutieusement, paysannement, comment on vivait dans une "paroisse" bretonnante de l'extrême ouest armoricain au cours du premier demi-siècle. Il ne veut rien prouver, sinon que la véritable histoire des paysans reste à faire et qu'il est un peu tard pour l'entreprendre. Il affirme tranquillement que ceux qui jugent les paysans comme des êtres grossiers sont eux-mêmes des esprits sommaires et naïfs. Il ajoute que les hommes ou les régimes qui ont suscité des révoltes de paysans ont fait entrer ces derniers en jacquerie à force de mépriser leur culture. Alors le Cheval d'Orgueil a secoué furieusement sa crinière ! L'auteur n'est pas convaincu, en passant d'une civilisation à l'autre, d'avoir humainement gagné au change. Mais aujourd'hui, la grande question qui se pose est de savoir s'il existe encore des paysans, c'est-à-dire des hommes qui, avant d'être de leur temps, sont d'abord de quelque part où ils doivent se mettre à l'heure du temps qu'il fait.
Prix aujourd'hui (1975) -
L'histoire d'un éternel promeneur solitaire, Jacques Laccarière : une liaison heureuse de plus de vingt ans avec une terre, un peuple et une histoire.
C'est sous les portiques de l'Agora d'Athènes où la foule de ses auditeurs, abritée du soleil, venait écouter Hérodote relater ses voyages, que l'on aimerait lire, ou mieux encore entendre lire, L'été grec.
Car ce livre est une approche vivante, un témoignage passionné, l'histoire d'une liaison heureuse de plus de vingt ans avec une terre, un peuple et une histoire.
L'originalité de l'approche de Jacques Lacarrière réside, littéralement, dans sa démarche. Tels ces ascètes en quête d'un "homme différent", vivant - ivres de Dieu - aux frontières de la mort.
Et il devient alors évident que ce que cherche sans relâche sur la terre hellène ce promeneur solitaire, il l'a déjà trouvé en lui-même.
A travers le quotidien, les gestes et la langue populaires, dans un style impressionniste où se retrouvent l'harmonie de Sophocle, les chants médiévaux de Digenis, les mémoires du général Makryannis et les Kleftika, ces chants épiques de la guerre d'indépendance, nous passons tout naturellement de l'autre côté du miroir pour retrouver le fil qui relie Eschyle à Séféris, Homère à Elytis et Pindare à Ritsos.
A la manière enfin dont on a dit du printemps 68 français qu'il fut "chaud", on peut parler de la chaleur et du souffle libertaire de L'été grec.
Mais le plus rare peut-être en ce beau livre est que l'exceptionnelle érudition de l'auteur n'ait en rien entamé l'étonnement, la jeunesse et l'acuité de son regard.
Grand Prix de Littérature de l'Académie Française pour l'ensemble de son oeuvre. -
Une immersion au coeur du chamanisme inuit, en suivant le parcours et les combats de Jean Malaurie.De la pierre à l'âme, ce grand livre est l'aboutissement d'une vie de recherches et d'exploration menées par Jean Malaurie dans l'Arctique, tout autour du cercle polaire ; du Groenland, point de départ du périple, jusqu'à la Tchoukotka sibérienne, durant plus de cinquante ans.C'est aussi une oeuvre de mémoire, un retour sur soi, une tentative jamais achevée d'élucidation intérieure, une somme intellectuelle qui plonge dès le début le lecteur dans l'effervescence intellectuelle des années de l'immédiat après-guerre." Je n'enseigne pas, je raconte " dit Jean Malaurie, dont le propos scientifique ou ethnographique n'est jamais didactique, mais s'inscrit dans une aventure personnelle faite de rencontres, d'épreuves, d'obstacles au travers du récit d'une errance souvent périlleuse au milieu d'un décor grandiose. Jean Malaurie est un conteur donnant à lire, à la manière d'un Jules Verne, les tribulations d'un géographe dans le grand nord. De la pierre à l'âme est un texte d'apprentissage et une quête initiatique menant de l'étude de la pierre à travers le prisme d'une science exacte, la géomorphologie, à l'animisme et au sacré. L'histoire d'un chemin de Damas qui conduit un jeune géographe épris de chiffres et schémas à une conversion du regard au contact des Inuit. Au terme d'une lente et douloureuse chrysalide, le narrateur est " inuitisé " et Jean Malaurie raconte ici les moments exceptionnels de communion avec le cosmos vécus auprès d'un peuple animiste.On ne peut qu'être frappé par l'actualité et le caractère prophétique de ce livre entrepris il y a déjà une décennie et revenant sur une aventure humaine inaugurée il y a soixante-dix ans. Jean Malaurie y dénonce le lien rompu avec le cosmos, la destruction de la faune et des milieux naturels, la réduction de la bio - diversité, l'exploitation productiviste des ressources, l'agonie programmée de ces " sentinelles " que sont les peuples racines. " Dans le regard d'un chien ou d'un oiseau, il y a une telle humanité que l'on est pris par la nostalgie d'un paradis perdu "
-
Vincent Hiribarren nous conduit sur les rives du lac Tchad, dans la région du Borno au Nigeria, à la découverture d'un des plus vieux Etats d'Afrique. Un livre qui donne la parole aux Nigerians souvent caricaturés ou devenus de simples stéréotypes dans les médias ; la victime, le pauvre, l'oublié d'un côté font face au barbu, au barbare, au terroriste d'autre part." Ce lac Tchad ressemblait à un vaste marécage. J'étais entouré de soldats nigérians et de pêcheurs locaux. J'avais mis une demi-journée pour me rendre de la capitale de l'État du Borno, Maiduguri, au lac. Un minibus, deux minibus, une mobylette et beaucoup de regards surpris plus tard, j'étais cet homme blanc au nom imprononçable qui s'était retrouvé devant un groupe de soldats dubitatifs. Je m'étais retrouvé sur les rives du lac Tchad pour comprendre la vision du monde des habitants de la région et m'intéressais particulièrement aux questions de territoire, d'espace et de frontières.
Cette région du Borno aujourd'hui est connue dans le monde entier comme le berceau de Boko Haram. Personne ne peut oublier l'appel international #BringBackOurGirls pour libérer les 276 lycéennes capturées dans le village de Chibok le 14 avril 2014.
L'État du Borno dont la devise bien ironique est " demeure de la paix " s'est retrouvé officiellement sur la ligne de front de la lutte contre le terrorisme islamique. Pourtant, l'histoire de la région du lac Tchad mérite bien plus qu'une simple liste des atrocités de Boko Haram. Pendant un millénaire, ses habitants ont contribué à la construction du Kanem-Borno l'un des États à la plus grande longévité en Afrique. Situé au croisement de plusieurs aires culturelles, le bassin du lac Tchad renferme un véritable patchwork de populations, langues et religions en particulier au Tchad et au Cameroun.
Ce livre donne la parole aux Nigérians souvent caricaturés ou devenus de simples stéréotypes dans les médias occidentaux mais aussi nigérians. La victime, le pauvre, l'oublié d'un côté font face au barbu, au barbare, au terroriste d'autre part. "
Vincent Hiribarren -
Sur le Toit du monde à la fois ombrageux et accueillant, bâton de marche dans une main, carnet dans l'autre, Olivier Weber a peu à peu trouvé ce qu'il recherchait, l'isolement, le recueillement, la méditation, le souffle poétique de la vie sauvage, comme une échappatoire à la vitesse et à la modernité.C'était une vieille promesse. Confronté aux souvenirs des guerres que j'ai couvertes, j'ai voulu me rendre dans une contrée mythique et oubliée, le Mustang. Fermé aux étrangers jusqu'en 1992, ce petit royaume en Himalaya désormais rattaché au Népal est un " petit Tibet " à la culture protégée et sans la tutelle de la Chine.
Avec deux amis, dont un aveugle, et trois Mustangais, dont un prince du Mustang, je me suis aventuré au-delà de l'Annapurna dans des vallées perdues, sur des montagnes isolées, dans des hameaux dépeuplés qui tutoient les cieux, dans des monastères en renaissance ou désertés. À chaque pas, le cheminement et le pèlerinage intérieur se révélaient plus importants que le sommet ; le vagabondage, davantage que la conquête.
Au terme d'une longue expédition à plus de 4 000 m. d'altitude, dans cette nature démesurée, sur ce Toit du monde à la fois ombrageux et accueillant, bâton de marche dans une main, carnet dans l'autre, j'ai peu à peu trouvé ce que je recherchais, l'isolement, le recueillement, la méditation, le souffle poétique de la vie sauvage, comme une échappatoire à la vitesse et à la modernité. L'effacement du souvenir de la guerre, aussi, et de son syndrome post-traumatique, en cheminant surtout, et à la rencontre des Mustangais, bergers, nomades, moines, passagers du vent, ombres de la solitude.
Dans le silence des grands espaces, après plusieurs semaines d'une marche souvent vertigineuse, cette quête de pureté et de la " montagne intègre " fut l'occasion de réflexions sur le temps, sur l'hyper-communication de nos sociétés, sur l'empathie et la compassion, loin du rythme effréné de nos quotidiens.
Ce fut enfin le lieu d'étonnants échanges avec mes amis montagnards, dont celui qui ne voit plus, surnommé " l'aventurier aveugle ", qui a connu le Mustang lorsqu'il était encore voyant. Il m'a permis, lui aussi, de " voir autrement ". -
Le témoignage saisissant, recueilli par Roland Vilella, du bagnard Albert Abolaza, " mémoire vivante " du bagne de Nosy Lava à Madagascar (définitivement fermé en 2010). A partir de son récit exceptionnel couvrant les trente dernières années du bagne et de celui des autres bagnards, Roland Vilella restitue la mémoire de ces hommes perdus, criminels, devenus victimes de leurs gardes.
L'île de Nosy Lava, au nord-ouest de Madagascar, a abrité le dernier bagne du pays définitivement fermé en 2010. En 2004, malgré la sinistre réputation des lieux, Roland Vilella, un marin familier de ces eaux, débarque dans l'île que surplombe, inquiétante sentinelle de fer, un phare rouillé et sans âge. Il y fait la connaissance d'Albert Abolaza, un prisonnier hors du commun, condamné aux travaux forcés à perpétuité. Une forte amitié va lier les deux hommes. Mémoire vivante du bagne, Albert se fait le porte-parole de ses compagnons de misère, torturés et tués en toute impunité durant des années. A partir de ce témoignage exceptionnel couvrant les trente dernières années du bagne et de celui des autres bagnards, Roland Vilella restitue la mémoire de ces hommes perdus, criminels, devenus victimes de leurs gardes. Au fil des pages, de violences sanglantes en anecdotes poignantes, la parole des détenus que domine celle d'Albert se mêle à l'histoire de l'île et porte jusqu'à nous la voix bâillonnée du bagne de Nosy Lava. Une aventure et un témoignage uniques qui s'inscrivent dans la grande tradition de la collection Terre Humaine. " Un livre magnifique ! " Florence Aubenas. -
Le ciel et la marmite - Avec les femmes chamanes d'Asie centrale
Sylvie Lasserre
- Plon
- Terre humaine
- 28 Octobre 2021
- 9782259284349
Un "Terre Humaine" qui nous emmène aux confins de l'Ouzbékistan, dans cette région reculée d'Asie centrale où le chamanisme a conservé un important substrat préislamique. Un voyage en profondeur dans le fascinant univers d'un chamanisme au féminin. Nous sommes aux confins de l'Ouzbékistan, au plus fort de l'hiver. Au loin, les sommets enneigés des monts Turkestan. Une rivière à sec, qui sert de piste. Au bord, une ferme, la dernière avant le Tadjikistan, deux cents mètres plus loin. Là vit Mayram, une chamane renommée, dont Sylvie Lasserre a partagé la vie. Quelques années plus tard, de l'autre côté de la frontière, l'auteure se lie d'amitié avec Mavlyuda, une autre chamane réputée.
Dans cette région reculée d'Asie centrale où le chamanisme a conservé un important substrat préislamique, Mayram et Mavlyuda guérissent les femmes lors de rituels appelés ko'ch. Le sang coule, les battements du tambourin sont lancinants. Transes, larmes, rires, chants et cris des femmes. Invocations des saints, des fées, de la pluie, des démons. D'étranges phénomènes se produisent.
À travers ces rituels qu'elle décrypte, l'auteure partage avec nous émotions et histoires de vie. Elle découvrira que le ko'ch est bien plus qu'un simple rituel thérapeutique. Les mots nous prennent par la main pour un voyage en profondeur dans le fascinant univers de ce rituel chamanique féminin. Au fil des pages s'efface l'incrédulité initiale, tandis qu'une autre vision d'un monde interrogeant en creux les failles de nos sociétés modernes se révèle. -
Un regard poétique, rigoureux et inédit sur la "créolité" et l'ensemble du monde antillais au travers de l'étude des orpailleurs d'or de Guyane. Un témoignage sur un mode de vie disparu, conté avec amour et finesse."Cet ouvrage c'est tout d'abord de l'ethnographie de grand cru. Mais en même temps, l'étude de Baj Strobel - rigoureuse, personnelle et poétique - jette un regard inédit et convaincant sur la " créolité " et l'ensemble du monde antillais. Par le détour de la forêt guyanaise, elle nous met en situation d'aborder l'essentiel de ces sociétés insulaires, à la fois soumises et résistantes, repliées sur elles-mêmes et ouvertes - à leur façon - au " Tout-Monde ".
C'est le témoignage d'un mode de vie disparu, relaté avec amour et finesse. On y découvre tout une société nouvelle, minuscule, étrange et en fin de compte pleine de charmes. A travers contes, chansons, musiques, et minutieuses restitutions des travaux et des jours, on comprend pourquoi ces hommes se sont mis en quête de l'or et on saisit aussi les merveilleuses implications métaphysiques de cette ultime quête.
En centrant son propos sur les orpailleurs, l'auteur tisse une trame qui s'étend à l'ensemble de la Caraïbe. Au fil des cent ans d'histoire qu'elle nous raconte, nous pouvons voir les processus de créolisation qui se sont reproduits depuis les premières ébauches de communauté sur la plantation insulaire jusqu'aux réinventions de l'identité par les migrants caribéens que l'on retrouve aujourd'hui à Toronto, Miami ou Paris. C'est un témoignage sur le processus continu de la créolisation, sur la migration et la reconstitution."
Richard Price -
Dans un village de Haute Bourgogne, où l'auteur réside depuis son enfance, nous découvrons le peuple souverain qui vit une des plus grandes mutations de son histoire millénaire.
"Nous somme montés dans le train à grande vitesse de la modernité sans trop nous en apercevoir et, lorsque nous regardons par la fenêtre, le paysage défile si vite que nous n'arrivons plus ni à le lire ni à le retenir. J'ai l'impression que nous sommes devenus des spécialistes de l'oubli..."
Vingt-sept ans après la publication de Village Retrouvé (1979), l'ethnologue Pascal Dibie publie le Village métamorphosé. C'est de nouveau de Clichery, en Bourgogne, où il réside depuis son enfance, qu'il tire des observations ayant valeur universelle. Un voyage hallucinant, profond, au coeur de notre rurbanité naissante. Il nous invite à revisiter notre société qui vit une des plus grandes mutations de son histoire millénaire. S'intéressant à nos actes les plus modestes, à cette banalité qui inscrit les jours de nos vies dans le long calendrier de l'histoire, l'auteur décrit un quotidien où le monde des signes et des aménageurs de paysages est roi, où la voiture, la cybernétique et la consommation sont maîtresse de nos têtes, de nos temps et de notre économie, où la religion s'abstrait jusqu'à accepter le changement des rites funéraires et à nous laisser exclure nos morts, où l'agriculture se "scientifise" à outrance et nos paysages se patrimonialisent...
Une antique société se meurt, l'égoïsme de chacun s'affirme et ce qui fut le paysan, l'homme en pays, devenu hautement technicien et déculturé, réussit à s'insérer dans la brume de la mondialisation qui le gagne et le dévore.
Cette ethnologie déguisée en récit, où se croisent pensées brutes et carnets de terrain, portraits de maîtres et réflexions profondes, inscrit Le Village métamorphosé parmi les plus grands ouvrages de Terre Humaine. -
L'histoire commune qui rapproche les hommes du loup, cet animal qui se joue des frontières, est fascinante. Dans le contexte d'une érosion majeure de la biodiversité, l'enquête personnelle de Caroline Audibert initie à une plus vaste idée de l'écologie. Elle explore en profondeur la question du vivre-ensemble entre les hommes et le sauvage dont le loup se révèle le symbole. Une enfance passée en pleine montagne à rêver des loups, la découverte magique de son père dans une forêt du Mercantour, une sensibilité partagée avec les derniers bergers de l'Alpe... Tout poussait la journaliste Caroline Audibert à remonter la piste du loup parmi les derniers territoires sauvages de l'hexagone. Minutieusement, elle démêle trente ans d'une histoire commune qui rapproche les hommes de cet animal qui se joue des frontières. Le loup n'est plus le héros d'un conte pour enfants. Il fait la Une des journaux, désespère les bergers, intéresse la génétique, enthousiasme les écologistes, préoccupe les ministères... Son retour inopiné fascine ou irrite, révélant d'indépassables contradictions au sein d'une grande fresque humaine où chacun défend avec passion sa propre vision de la nature.
Dans le contexte d'une érosion majeure de la biodiversité, l'enquête très personnelle de Caroline Audibert initie à une plus vaste idée de l'écologie, à une vision systémique des choses. Elle explore en profondeur la question du vivre-ensemble entre les hommes et le sauvage dont le loup se révèle le symbole. Serions-nous à l'aube d'un nouveau cycle ?
Prix 30 millions d'amis essai 2019.Prix essai 30 millions d'amis -
En Libye sur les traces de Jean-Raimond Pacho
Jean-Marie Blas de Roblès
- Plon
- Terre humaine
- 27 Octobre 2016
- 9782259252393
Jean-Marie Blas de Roblès nous invite à parcourir la Libye antique dans le sillage de Jean-Raimond Pacho, explorateur et homme de lettres du 19e siècle qui a redécouvert les ruines des civilisations antiques abandonnées. Un voyage qui nous conduit vers des sites archéologiques parmi les plus importants au monde tels Apollonia ou Leptis Magna.À observer les troubles qui agitent les tribus libyennes de 2016 et persistent, hélas, à maintenir dans le pays une anarchie politique et religieuse extrêmement nocive, on ne peut s'empêcher d'y reconnaître comme en miroir la Libye du tout début du XIXe siècle, celle que les premiers voyageurs occidentaux redécouvrirent, souvent au péril de leur vie, après plusieurs siècles d'effacement. Le niçois Jean-Raimond Pacho qui visita la Cyrénaïque de 1824 à 1825 est assurément le plus audacieux et le plus fiable d'entre eux.
C'est dans son sillage que Jean-Marie Blas de Roblès nous invite à parcourir la Libye antique. Pacho, à la fois explorateur, archéologue et homme de lettres a parcouru seul le désert libyen et y a découvert les ruines des civilisations antiques abandonnées. Il a ainsi localisé des sites archéologiques tels Leptis Magna ou Apollonia qui comptent parmi les plus importants au monde. Son voyage lui aussi permis d'observer les moeurs et les langues des populations locales.
Construit autour de larges extraits du
Récit de voyage de Jean-Raimond Pacho (publié en 1827), que Jean-Marie Blas de Roblès commente et met en perspective, cet ouvrage nous conduit au coeur des racines grecques et carthaginoises de la Libye.
Un texte littéraire à double voix, fidèle aux témoignages publiés dans la collection Terre Humaine. -
Vaudou : l'homme, la nature et les dieux
Philippe Charlier
- Plon
- Terre humaine
- 1 Octobre 2020
- 9782259280730
Que peut apporter un regard triple (le médecin, l'archéologue, l'anthropologue) au vaudou ? Depuis presque 15 ans que Philippe Charlier sillonne les pistes du Bénin, il a acquis suffisamment de matière, de données, d'expériences pour proposer le récit d'une immersion et d'une analyse du vaudou sur ses deux berges atlantiques.Au-delà de montrer et d'expliciter que le vaudou est une religion à part entière, avec ses codes, ses clergés, ses mythes et ses rituels domestiques et collectifs, on portera un regard nouveau, incisif, pragmatique et original sur cette croyance (et ses actions de sorcellerie associées) dans le territoire d'origine (Afrique sub-saharienne).
Que va-t-on découvrir ?
- gestes sacrés du quotidien
- cérémonies des revenants (Egungun) semeurs de mort symbolique
- divination Fâ par les coquillages
- consécration de fétiches (avec ce qu'apporte leur examen radiologique lorsque certains ont été transportés en Occident)
- fouilles archéologiques dans les palais des rois d'Abomey (permettant de retourner aux origines historiques du vaudou)
- récits de l'initiation de l'auteur et des élévations successives (récit " de l'intérieur ")
- cérémonies nocturnes avec chevauchement des adeptes par les divinités
(" possessions ")
- pèlerinages syncrétiques chrétiens/vaudou (" Saut d'eau ")
- cérémonie des morts où se croisent une extrême sensualité et une fascination morbide
(" Guédés ") -
Le témoignage unique de Mireille Aïn, la seule manbo blanche initiée au vaudou en Haïti." Le Vodou haïtien n'est pas un amalgame de croyances maléfiques où se pratique la magie noire, où on charcute des poupées à coup d'aiguilles. Il est un lieu d'apprentissage, une approche du sacré avec ses règles rigoureuses, ses cérémonies établissant une alliance féconde avec l'Invisible. Le Vodou, tel que je l'ai vu pratiquer et tel que je le pratique moi-même, est un mode de vie communautaire épanouissant, en même temps qu'une cosmogonie, une conception de l'homme en liaison avec ses origines spirituelles et sacrées.
Un jour, je mourrai, après une bataille incessante contre des préjugés et des systèmes de vie défiant le sens commun. J'espère simplement que l'amour et l'attention avec lesquels mes initiateurs m'ont élevée me permettront de continuer ce combat qui était le leur. J'espère aussi que, grâce aux initiations que je conduirai comme ils me l'ont enseigné, je leur donnerai une nombreuse progéniture.
Pour arriver en Haïti, mambo Assogwe, à la tête d'un péristyle, il m'a fallu faire comme Danballa, le Serpent Arc-en-ciel, ramper en silence, observer, accepter les soubresauts d'une colonne vertébrale qui défie la verticalité mais pourtant s'enroule aux arbres ou aux Potos mitan. Accepter de changer de peau au cours de mues successives, de plus en plus profondes.
Je ne comprendrai que des années plus tard la vraie nature, la grande richesse des enseignements de Danballa et Aida Wèdo, les serpents sacrés : le combat de la force vitale contre l'adversité.
C'est ce que je veux raconter ici. " -
Sur les pas des Maîtres de la nuit en pays Douala (Cameroun). Un jésuite pionnier explore méthodiquement et oecuméniquement la pensée africaine.
"Din, le maître que je me suis particulièrement choisi et qui m'a ouvert les yeux, est un guérisseur d'un quartier populaire de Douala. Il ne savait ni lire ni écrire et ne parlait pas français. Tout mon livre témoigne, au nom d'une ascèse commune, de la puissance d'introspection et de connaissance de ces nganga africains qu'on appelle improprement des sorciers alors que, étant des guérisseurs, ils en sont les ennemis jurés."
Ainsi s'exprime Eric de Rosny, jésuite français qui a vécu cinq ans dans ce quartier de Douala. Les "Maîtres de la nuit" l'ont adopté. Au terme de son initiation, une chèvre lui est présentée. Elle doit mourir de sa propre main, se substituant à lui pour prendre sur elle les malheurs et les sorts. Elle donne au prêtre ses deux yeux afin qu'il voie l'invisible.
Ce document rare raconte avec précision l'itinéraire de l'auteur qui se trouve, au Cameroun, confronté à des problèmes très actuels que les nganga s'efforcent de résoudre : tension et haines familiales, chômage, maladies, folie et mort. Son expérience personnelle a été poussée à la limite du permis et du possible. -
Paru en 1911 pour la première fois, ce roman magistral sur la folie anticipe, avec génie, les mouvements antipsychiatriques. Sa réédition critique offre un regard neuf sur la trajectoire d'un psychiatre atypique qui, refusant d'enfermer ses patients dans des catégories médicales, les soigne par la sexualité et la musique. Face à la crise de la psychiatrie actuelle, sa réédition a paru nécessaire à Jean Malaurie, directeur de collection, à l'ethnopsychiatre Tobie Nathan et à Anouck Cape. Paru en 1911 pour la première fois, ce roman magistral sur la folie anticipe, avec génie, les mouvements antipsychiatriques. Sa réédition critique offre un regard neuf sur la trajectoire d'un psychiatre atypique qui, refusant d'enfermer ses patients dans des catégories médicales, les soigne par la sexualité et la musique. Face à la crise de la psychiatrie actuelle, sa réédition a paru nécessaire à Jean Malaurie, directeur de collection, à l'ethnopsychiatre Tobie Nathan et à Anouck Cape.Les libérés sont les Mémoires d'un aliéniste révolutionnaire. Conscient de la misère de la psychiatrie dans les années 1900 qui ose livrer les fous à une science sourde et aveugle, Ricciotto Canudo nous fait vivre, dans une écriture très moderne, le quotidien d'un hôpital antipsychiatrique, annonçant avec des accents visionnaires les années 1960 dont il est le précurseur ignoré.
Dans ce phalanstère libertaire, où la sexualité et la musique participent aux pratiques thérapeutiques, s'engage une lutte de pouvoir entre le médecin aliéniste et son patient qui s'achèvera dramatiquement. Nous - les soi-disant bien portants - sommes esclaves de nos préjugés.
Paru en 1911 pour la première fois, ce roman magistral sur la folie anticipe, avec génie, les mouvements antipsychiatriques. Sa réédition critique offre un regard neuf sur la trajectoire d'un psychiatre atypique qui, refusant d'enfermer ses patients dans des catégories médicales, les soigne par la sexualité et la musique.
Face à la crise de la psychiatrie actuelle, sa réédition a paru nécessaire à Jean Malaurie, directeur de collection, à l'ethnopsychiatre Tobie Nathan et à Anouck Cape. -
Un témoignage unique sur le patrimoine de l'immatériel. Un livre essentiel sur la pensée spirituelle de l'un des peuples les plus méconnus de l'Afrique noire.Un livre essentiel sur la pensée spirituelle de l'un des peuples les plus méconnus de l'Afrique noire : les Batãmmariba, au nord du Togo et du Bénin. Peuple fier, aux traditions de guerre et de chasse, il se reconnaît dans l'acte de construire des forteresses disséminées dans des montagnes d'une saisissante beauté. La nuit appartient aux forces de la terre qui s'incarnent dans certains arbres, pierres, sources... avec lesquelles se lient les défunts. Au cours d'un rite de deuil, chacun se met à l'écoute du silence de la nuit, comme le Voyant aux sens en éveil. La mort est conjurée, détournée, afin que le souffle du défunt acquière la force de former un nouvel enfant. C'est à de tels instants que les Batãmmariba puisent leur vitalité.
Au cours de huit missions en solitaire au Togo, Dominique Sewane a partagé leur existence quotidienne dans des conditions extrêmes. Elle a eu le privilège d'assister à leurs cérémonies les plus secrètes et d'approcher les "maîtres du savoir". Le lecteur participe à ses doutes, ses appréhensions, mais aussi à la révélation qu'est pour un Occidental une réflexion d'une rare profondeur sur le mystère de la mort, donnant raison à cette pensée du grand philosophe russe Léon Chestov : "Tout ce qui a été créé de meilleur et de plus fort, de plus important et de plus profond dans tous les domaines de la création, prend sa source dans la méditation sur la mort et dans la frayeur qu'elle inspire." -
Kudsi Erguner est un érudit musulman et un virtuose du Ney élevé dans un milieu soufi d'Istanbul condamné à la clandestinité par une République turque qui se voulait résolument laïque. A treize ans, il s'éveille à la foi, premiers pas vers la spiritualité soufie. Une autobiographie inédite, co-écrite avec Dominique Sewane.
Le 110e livre de Terre Humaine, collection indépendante, libre et engagée de témoignages et d'appels, s'attache, comme dans La Comédie humaine de Balzac, à la réalité du vécu d'une forte personnalité. Cette oeuvre de Kudsi Erguner est consacrée à la spiritualité de peuples ayant adhéré au message du Prophète. Ce livre révèle une profondeur de l'Islam que les actuels mouvements salafistes et une islamophobie rampante nous font oublier. Est-il besoin d'attirer l'attention sur l'extrême actualité de ce témoignage saisissant qui fera date ? Ce livre est issu d'entretiens avec Dominique Sewane, anthropologue des religions, lentement organisés durant cinq années de dialogue. Le souffle inspiré de ce témoignage nous fait prendre conscience de la spiritualité soufie intense, à l'écart des violences et dérives contemporaines. -
Souvenirs d'une Parisienne au Thibet
Alexandra David-Néel
- Plon
- Terre humaine
- 15 Février 2024
- 9782259314954
À l'occasion du centenaire de l'entrée d'Alexandra David-Neel dans Lhassa, la publication de ce texte original et inédit relate son stupéfiant voyage au coeur du Tibet interdit.Le 28 février 1924, Alexandra David-Neel arrive au pied du Potala après un périple de quatre mois à travers les cols et vallées du Tibet oriental. Déguisée en vieille mendiante et accompagnée d'Aphur Yongden, qui deviendra son fils adoptif, elle est la première femme occidentale à entrer dans la ville sainte bouddhiste jusqu'alors interdite aux étrangers.
Dans ces Souvenirs dignes des plus passionnants récits d'aventures, l'exploratrice raconte avec une énergique concision et un humour indéfectible périls et péripéties rencontrés en chemin et livre un portrait unique de la capitale tibétaine telle qu'elle et le " lama " Yongden l'ont alors découverte. -
Un document unique sur la Premiière Guerre mondiale, rédigé par un Poilu et publié 90 ans plus tard dans la collection Terre Humaine.
Un témoignage de plus sur la Première Guerre mondiale, par ceux qui l'ont vécue au jour le jour, alors que vient de disparaître le dernier poilu ? Non, car celui-ci est unique en son genre : c'est la guerre vue des bureaux de l'arrière, où l'on s'occupe du matériel et de la logistique des mouvements de troupe ; ce qui laisse à l'auteur de ce reportage quasi quotidien - tout au moins pendant trois ans, car la dernière année se passe réellement au front - toute latitude pour observer les faiblesses de l'organisation face à la formidable machinerie allemande, les inepties, parfois criminelles, de la bureaucratie ; mais aussi le comportement des appelés dans toute la diversité de ce gigantesque brassage social, les sourdes inimitiés comme la camaraderie la plus désintéressée, la couardise comme le courage. Beaucoup de temps aussi pour lire les journaux quotidiennement, s'irriter du bourrage de crâne, commenter la stratégie nationale et internationale. Écrites au fil de la plume, sans presque aucune rature, par un de ces fils de la IIIe République dont l'école permit à un jeune paysan franc-comtois de devenir un intellectuel profondément patriote et catholique engagé, très proche d'un Péguy, ces 900 pages frappent aussi par la qualité de l'écriture, capable de passer d'une hilarante scène de caserne aux réflexions les plus pénétrantes sur la nature du conflit, aux visions d'avenir, à la méditation sur ses propres conflits intérieurs. Saignée, ruinée, la France de 1918 a perdu, par coupable impéritie, la paix de Versailles ; 1940 et son " étrange défaite " trouve là une de ses explications. Préface de Jacques Marseille -
Témoignage exceptionnel d'un grand chaman et leader des Indiens Yanomami sur la culture de son peuple et la crise écologique mondiale vue depuis le coeur de l'Amazonie.
Ce livre a été écrit à partir des paroles de Davi Kopenawa, chaman et leader des Indiens yanomami du Brésil, recueillies dans sa langue par Bruce Albert, ethnologue français auquel le lie une amitié de plus de trente ans. Davi Kopenawa retrace sa vocation de chaman depuis l'enfance et révèle une métaphysique séculaire basée sur l'usage de puissants hallucinogènes. Il relate, à travers son histoire personnelle souvent dramatique, l'avancée dévastatrice des Blancs dans la forêt et ses voyages à l'étranger pour défendre son peuple. Ce témoignage exceptionnel est à la fois le récit d'une vie hors du commun, un vibrant manifeste chamanique et un cri d'alarme face à la crise écologique mondiale vue depuis le coeur de l'Amazonie. Véritables Tristes Tropiques de la pensée sauvage, c'est un événement, dans l'histoire de l'anthropologie. -
Condamné pour la deuxième fois à huit ans de prison, Claude Lucas reprend ses études en cellule et mène une oeuvre d'écriture et de réflexion philosophique : à quoi sert l'incarcération ?
"À cette époque-là, n'étais-je pas déjà mort ? Et si oui, depuis quand errais-je dans cet univers parallèle si semblable à l'autre ?"
Telles sont les premières lignes de ce braqueur de banque, détenu de longue durée...
Dans sa cellule, il s'est découvert écrivain. Philosophe, il s'est attaché à la pensée d'Emmanuel Levinas qui, en quelques lignes de préface, peu de jours avant sa mort, s'est adressé à tous les détenus.
À quoi sert la prison ? Question majeure que pose implicitement ce livre. Le fort taux de récidive laisse sceptique. La France a la proportion de suicidés la plus importante d'Europe.Suerte (la chance) est un roman vécu (prix France culture 1996). Sa parole s'est fait entendre dans le seul choeur où, selon ses propres mots, "elle pût s'accorder à celle des autres : à Terre Humaine".
Un livre majeur qui pose des problèmes de société cruellement actuels.
Prix France Culture 1996 -
Le témoignage poignant et plein d'humour d'un curé - qui est de surcroît un merveilleux conteur - sur la vie sociale de la Haute-Normandie profonde.
Qui nous baptisera ? Qui nous mariera ? Qui nous enterrera donc demain ? Les derniers curés vont disparaître dans les campagnes... "Métier d'curé, métier foutu !" comme l'annonçait déjà rudement un berger cauchois au jeune abbé Bernard Alexandre qui allait rejoindre sa première paroisse - qu'il ne devait plus quitter depuis : Vattetot-sous-Beaumont.
Ce livre est son témoignage.
Bernard Alexandre, inlassablement, a tenté de faire "entendre" à ses paroissiens la parole du Christ. Ceux-ci n'ont cessé d'opposer à leur curé une résistance souveraine. .. "Eglisiers", les Cauchois ne demandent guère plus à leur curé que d'être un bon sacristain ; eux, s'accrochent de toutes leurs forces à leurs traditions : "A toujou été comm'cha..."
Est-ce parce qu'ils savent inconsciemment que ces traditions qui plongent leurs racines dans des rites païens ont, en eux, des résonances essentielles ? Que leur sagesse consiste, comme tant de sociétés traditionnelles, à refuser de se poser des questions sur le plan du sacré, de crainte de ne pas leur trouver de réponse ? De crainte, surtout, de perdre leur foi et que ne s'écroule un édifice religieux et, avec lui, l'ensemble de la société auxquels leur destin est lié ? Bernard Alexandre sait qu'il ne sera pas remplacé faute de vocations sacerdotales assez nombreuses. Il assiste au déclin de l'Eglise traditionnelle ; il espère de tout son coeur en une nouvelle Eglise plus restreinte, mais combattante, s'appuyant sur des laïcs responsables, agissant dans l'esprit des premiers chrétiens de l'Eglise primitive.
Ce livre n'est pas seulement un poignant témoignage. C'est aussi le regard attentif, privilégié et, souvent, plein d'humour d'un homme - qui est de surcroît un merveilleux conteur - sur la vie sociale de la Haute-Normandie profonde. Il jette sur cette province une lumière différente de celle de Maupassant, d'une acuité et d'une pénétration qu'il ne sera plus possible d'oublier.